Voyage dans le temps
L'industrie touristique a toujours eu une longueur d'avance sur le web. Beaucoup de personnes ont osé pour la première fois payer en ligne afin d'acheter un billet de train ou d'avion. Dans les années 90, alors que tant de start ups étaient basées sur des modèles économiques douteux, de nombreuses agences de voyage en ligne étaient déjà des sites d'e-commerce viables. Rien d'étonnant donc qu'on compte parmi les anciens du web lastminute.com, Expedia, Travelocity et confrères. Le web du voyage a aussi vu naitre des géants, les compagnies low cost comme easyJet et Ryanair. Ou plutôt devrais-je dire easyJet.com et Ryanair.com. Aujourd'hui, le voyage en ligne est un marché mûr. 84% des américains planifient leurs vacances et déplacements sur Internet. Bref, étudier ce qui se passe sur la toile spécifiquement pour le tourisme, et notamment l'hôtellerie, peut nous permettre de tirer des enseignements pour Internet en général.
Pour la majorité d'entre nous, la communication sur Internet en 2010 se concrétise encore et avant par un site web. Accompagné éventuellement d'une newsletter et d'une politique de référencement. Certes, le phénomène Facebook est là, si bien que tout le monde parle du web social. Dans les faits, cependant, on ne sait trop bien comme utiliser cette nouvelle facette d'Internet et les changements sont lents. A moins bien sûr qu'on travaille dans l'hôtellerie.
Si le manager d'un hôtel pense que son seul site web peut lui permettre d'exister sur le web, il n'est pas près de voir exploser ses réservations en ligne. Une simple recherche hôtel Paris sur Google vous montrera l'ampleur de la difficulté. Les premières places (et pages) sont occupées par des centrales de réservation (parishotels.com, hotelparis.com, hotel-paris-france.com et autres variations) optimisées jusqu'à la dernière virgule pour ressortir dans le top 10 ou 40. Le positionnement dans les moteurs de recherche ne reflète en rien la qualité, ni la popularité d'un hébergement. Les internautes l'ont bien compris et tendent à se désintéresser des recherches du type hôtel + ville (quand est-ce la dernière fois que vous en avez effectué une ?). Les spécialistes du hotel emarketing ont bien prévu que ces recherches devenaient de moins en moins pertinentes. Mais alors, si un site bien référencé n'est plus la solution, quelles sont les alternatives pour faire connaitre son hôtel ? Le web social bien sûr !
Faire du social
Fut un temps, le but principal d'un hôtel pour assurer sa promotion était de conquérir les étoiles. L'idée qu'on se faisait d'un hôtel avant de réserver était souvent basé sur ce classement : ce doit être un bon établissement, il a 3 étoiles. Est-ce toujours le cas aujourd'hui ?
Au moment de préparer un voyage, on se tourne désormais volontiers vers le web. On y trouve une information précieuse, l'avis de ceux passés avant nous. A partir de ce constat, un site a réussi à attirer plus de 30 millions d'opinions concernant un million d'établissements écrites par plus de 15 millions de membres. Ce site aux millions, cette première communauté du web touristique s'appelle Trip Advisor, la filiale d'Expedia, elle-même propriété du conglomérat des médias IAC. Un 95% de recommandations sur Trip Advisor est, pour l'hôtelier moderne, bien plus recherché que deux, trois ou même quatre étoiles. Les Traveler's Choice remis par le site sur la base de l'avis de ses membres sont parmi les prix les plus convoités de l'industrie touristique. J'ai déjà vu des établissements aux Etats-Unis, aux îles Cook et maintenant en Nouvelle-Zélande, les afficher sur leur devanture, en bien plus grand que leurs étoiles. La course n'est donc plus pour finir premier sur Google mais pour finir premier sur Trip Advisor.
Dans l'ombre du géant TripAdvisor s'est développé une multitude de sites d'opinions pour le voyage. Il en y a pour tous les goûts. Les jeunes voyageurs en recherche d'hébergement bon marché se tourne vers Hostel World. Les baroudeurs se tournent vers les forums de Lonely Planet ou du Routard. De plus, les réseaux leaders du web social ne sont pas en reste. De nombreux hôtels sont présents sur Facebook et Twitter. Je l'avais remarqué lors de mon passage à Las Vegas. Enfin, certains choisissent même de démarrer leur propre réseau.
Pour le web social aussi, le web touristique est précurseur. Les walled gardens représentent un défi majeur, or les sites touristiques sont depuis longtemps les champions de l'ouverture. Ca fait des années que nous ne sommes plus obligés de passer par le site d'une compagnie aérienne pour acheter un de ses billets ; des informations mises à jour sur un hôtel sont facilement consultables depuis le site d'un office de tourisme ; plusieurs méta moteurs de recherche (recherche simultanée sur plusieurs moteurs. Ex : Kayak, Liligo, Skyscanner) sont disponibles ; etcetera, etcetera. Les interconnexions se poursuivent aujourd'hui. Recherchez un hôtel sur Google. Un lien vers Trip Advisor est fort susceptible d'être parmi les premiers résultats*. Directement sous le lien, vous trouverez le nombre d'avis rédigés pour cet établissement et la note moyenne obtenue. Trip Advisor partage ces informations avec les moteurs de recherche. Autre exemple, un internaute peut agrémenter l'avis qu'il a rédigé pour un hôtel sur Trip Advisor avec des photos issues de son compte Facebook.
"Mais concrètement, Antoine, je fais quoi ?"
C'est vrai ça, je parle, je parle mais toujours pas de solutions pratiques. La première chose à faire est d'être présent sur les réseaux sociaux. Mieux vaut se concentrer sur ceux dédiés au voyage plutôt que de passer trop de temps sur Facebook. Une présence constante est nécessaire. Il faut pouvoir répondre aux commentaires laissés (le propriétaire peut toujours exercer un droit de réponse), ne pas laisser des interrogations en suspend, mettre régulièrement à jour son profil avec de nouvelles informations ou photos. Il faut tout simplement dialoguer avec ses clients en ligne. On ne parle pas de marketing conversationnel pour rien. Si les clients sont laissés pour seuls, cela devient un monologue, souvent très préjudiciable pour l'hôtel.
Il faut aussi dialoguer avec ses clients face à face ! Cela peut sembler évident mais la meilleure façon d'obtenir des avis positifs c'est de rendre les séjours agréables. Pour des conseils plus détaillés, je vous conseille la lecture de cet article par l'un des responsables de Trip Advisor. De manière générale, le site dont il est issu - HotelMarketing.com - est une mine d'or.
Voici aussi des conseils plus personnels tirés de mon expérience autour du monde :
- Ne pas sous-estimer le pouvoir des réseaux sociaux
Le manager d'une petite auberge de jeunesse à Bled en Slovénie réussit à attirer une clientèle nombreuse et internationale sans site (et donc sans référencement). Son secret : être très sympathique et donc être dans les tous premiers sur Hostel World. - Encourager toutes les critiques
Sinon, vous risquez fort de ne recevoir que les négatives. Avant d'aller passer la nuit au Motel 6 de Twentynine Palms en Californie, nous nous attendions au pire : dernier sur Trip Advisor ! Il était pourtant tout ce qu'il y a de plus de correct. Mais rien d'exceptionnel. La plupart des gens sont donc probablement satisfaits mais ne pensent pas à laisser un commentaire. Motel 6 y travaille cela dit. A la réception, on trouve des cartes de visite aux couleurs de Trip Advisor (un peu comme le flyer illustrant cet article) invitant à donner son avis. - Répondre à toutes les critiques
Le Venice Beach Cotel à Los Angeles n'est pas la meilleure auberge de jeunesse dans laquelle nous soyons resté. Pourtant, la propriétaire réussit à donner une bonne impression de son établissement aux clients potentiels. Elle répond à la plupart des commentaires, même positifs, pour dire merci, désolé, c'est noté. Toujours avec la sourire. Oui, même en ligne, c'est important.
Ce cher vieux site
Maintenant que vous avez lu ce dossier, vous regrettez peut-être votre site web qui vous a pourtant coûté si cher. Il n'y a rien à regretter. Un site web reste essentiel. Nous les visitons toujours, mais après Trip Advisor ou Hostel World. Il apporte des informations complémentaires qu'on ne peut trouver sur les réseaux sociaux. Il convient juste de concevoir votre site en gardant à l'esprit qu'il ne sera pas souvent la première impression qu'auront vos prospects de votre établissement. Ils y arriveront après avoir consulté l'avis des internautes. Essayez donc de répondre aux doutes qu'auront peut-être suscité ces opinions.
Enfin, une newsletter et un compte Twitter sont vos meilleures armes pour fidéliser vos clients. S'ils reviennent dans votre ville, faites en sorte que ça soit chez vous avec des offres promotionnelles envoyées par email ou par tweet.
* Cet exemple nous montre qu'il faut mettre un bémol à la diminution de l'utilisation des moteurs de recherche pour la préparation d'un voyage. Croyez en leur capacité de réaction et d'adaptation. Qui plus est, les réseaux sociaux ont besoin de Google. A titre d'exemple, un tiers du traffic vers Trip Advisor en Chine provient du moteur.