Un an sur la route. Rien de tel pour engloutir les (maigres) économies d'une (courte) vie. Quand nous avons commencé à nous renseigner sur les budgets pour une telle aventure, nous avons tout trouvé : de 5000 à 50 000 EUR. Un indicateur plus juste est le Lonely Planet index qui fournit pour chaque pays un budget journalier en fonction du type de confort choisi. Même en confort basique, on dépasse allègrement les 10 000 EUR. Devant une telle somme, il convient de se poser la question suivante : est-ce bien raisonnable d'être un touriste pour un an ? Est-ce même souhaitable ? A quoi bon parcourir le monde pendant si longtemps si c'est pour se limiter aux seuls sentiers battus. De nombreuses opportunités existent d'en sortir? pour rencontrer des locaux et apprendre à connaitre une culture. Ces opportunités, on les trouve souvent sur Internet.
Voyage Assisté par Ordinateur
L'un des réseaux les plus plus connus est CouchSurfing (CS). Il permet de s'inviter sur le canapé d'un parfait inconnu où qu'il soit dans le monde. Au-delà de l'hébergement, l'idée est de remettre l'hospitalité aux étrangers au goût du jour. Démarré en 2004, le réseau compte aujourd'hui près d'un million et demi de membres repartis dans 230 pays.
Moins développé est Help Exchange (HelpX) qui propose de mettre en relation voyageurs volontaires et petites organisations en mal d'un coup de main. Les hôtes sont des fermes, des auberges de jeunesse, des particuliers, etc. Contre 3 à 6 heures de travail par jour, le volontaire est nourri, logé, blanchi. C'est aussi l'occasion d'un échange de pratiques et de cultures.
On est bien là face à une des composantes du web social. Le contact en ligne n'est pas une fin en soi. Nous ne sommes pas dans un monde virtuel. On se présente en ligne pour mieux se rencontrer en vrai. Dès lors, le profil de présentation joue un rôle crucial. On s'y décrit bien sûr, en textes comme en images, mais le principal vecteur de confiance est l'historique des expériences passées.
eBay a bâti son succès sur les commentaires, les reviews qui permettent d'acheter les yeux fermés auprès d'un inconnu perdu au fin fond de l'Arkansas. On retrouve ces reviews sur CS et HelpX. Aller dormir chez un inconnu au fin fond de la Sicile n'est alors plus vraiment une folie. Un problème persiste : comment se lancer ? Si la prime est au mieux noté, que font les nouveaux entrants ? eBay comme CS et HelpX n'ont pas encore trouvé la solution.
Vous pouvez répéter ?
Ainsi, préparer un voyage autour du monde demande de s'inscrire à gauche, à droite et d'enrichir de nombreux profils. Un travail aussi répétitif que fastidieux. Doit-on se résoudre à la double saisie ?
Cette question n'est pas nouvelle. Elle n'a certainement pas attendu le web social. Qui ne s'est pas plaint un jour d'avoir oublié un énième mot de passe ? Ou d'avoir à créer un énième compte ? Là où le web social accentue le problème, c'est qu'un profil dans une communauté ne se limite pas à une adresse email et un mot de passe. Les données à renseigner sont nombreuses (descriptions, photos, amis, statut, etc.) et demande une actualitisation régulière. Devant l'ampleur de la tâche, on se retrouve souvent contraint à se limiter à un réseau. Quelle frustation quand on sait que le web social est riche de réseaux en tout genre. Qu'ils soient spécialisés dans le voyage, on vient de le voir, mais aussi dans les relations professionnelles (LinkedIn et Viadeo), le sport (SportsMates), l'art (My Art Space), etc.
La portabilité des données se heurtent aux walled gardens, ces prés gardés numériques. Le web social prenant une telle ampleur dans l'usage qu'il est fait d'Internet que les principaux acteurs jouent des coudes pour se positionner sur ce marché. Les favoris érigent des murs, les challengers cherchent à les faire tomber. C'est l'éternelle bataille du standard. Elle peut aboutir à la victoire d'une partie (comme pour Blu Ray), à une paix négociée (à travers de l'IEEE ou du W3C par exemple) ou, dans le pire des cas, s'éterniser (votre carte mémoire c'est une SD ? Un MS ?).
Jardinage en groupe ou en solo
Facebook est, sans aucun doute, le réseau social dominant. Cette position dominante lui donne un net avantage dans la bataille qui s'engage pour la portabilité des profils (Wired l'appelle Identity Wars). Les hostilités ont été lancées le 3 décembre 2008 avec la présentation de Facebook Connect. Les possibilités sont bluffantes. Pour commencer, le problème de la double-saisie et de la multiplication des mots de passe est réglé. Facebook Connect ouvre aussi la porte à une nouvelle génération de sites et d'applications. Plus personnalisés, plus pertinents. On parle de conversation. Grâce à votre profil (le terme exact est plutôt social graph), le site vous connait et réagit en fonction.
Devant de telles perspectives, on a vu fleurir des icônes Facebook Connect un peu partout en un temps record (Facebook parle de 15 000 sites. Ni CS, ni HelpX n'en font partie). Beaucoup de français ont fait connaissance avec ce nouveau système sur le site de l'Equipe.
Prêts à vous facebook-connecter ? Attendez peut-être un peu avant de vous enfermer dans le jardin de Facebook.
Dès mars 2008, The Economist prédisait la fin des walled gardens du web social (l'illustration à droite provient de leur article). Face à Facebook Connect, la résistance s'organise en effet. Un des poids lourds du mouvement est Google. Leur position de challenger dans le web social les oblige à promouvoir une solution libre et ouverte. Ils sont accompagnés dans leur aventure par deux revanchards : MySpace, l'ancien premier réseau, et Plaxo, le meilleur ennemi de Facebook.
Leur réponse à Facebook Connect s'appelle Open Stack. Elle se base notamment sur OpenID (standard d'authentification) et OpenSocial (standard d'applications sociales ou social widget). Tout ça est très open mais aussi très difficile à comprendre. La vulgarisation, la simplification (user-friendliness si vous voulez un nouvel anglicisme) est le talon d'achille du libre. Prenez OpenID par exemple. Pour beaucoup, sa difficulté à percer est du à son apparente complexité. OpenSocial ne s'en sort pas mieux. Quant à Open Stack, c'est un mille-feuille de sigles et protocoles. A chaque couche, une nouvelle notion à apprendre.
La force de Facebook Connect est son apparente simplicité. Une boite bleue magique qui s'occupe de toute la cuisine entre identité, social graph et contenu. La technologie propriétaire là où elle est la meilleure. La direction claire et la conception cohérente sont le fruit du travail d'un petit groupe et non d'un consortium.
Mais ne nous méprenons-pas : c'est une prison dorée, un jardin séduisant mais clos. Quand nous serons tous passés sur Facebook, que ferons-nous le jour où la firme de Palo Alto décidera de changer ces conditions générales d'utilisation (ce qui lui trotte probablement dans la tête) ? La technologie propriétaire là où elle est la plus obscure.
Déclarations de Droits de l'Homme et de l'Internaute
Alors que dehors la bataille fait rage, une certitude émerge. Internet ne sera jamais plus comme avant. Le web social est une étape majeure de son évolution. Comme toute innovation technique, elle suscite enthousiasme et crainte. Mes données sont-elles protégées ? Qui peut les voir ? Les exploiter ? Peut-on usurper mon identité ? Puis-je tout supprimer si les choses tournent mal ? Notre CNIL nationale semble bien dépassée devant ce phénomène mondial. Pourtant, informatique et libertés reste une problématique très actuelle. Certains (toujours dans l'entourage de Plaxo) l'ont compris très tôt. Si ce type d'initiaves venait à se multiplier, on se plairait à croire au jardin d'Eden. Sans mur, bien sûr.