Fesse bouc-émissaire ?
Outre-Rhin, le web social a vraiment décollé en 2005 avec le lancement de l'Annuaire des Etudiants, StudiVerzeichnis ou studiVZ en allemand. La petite entreprise berlinoise est devenu en quatre ans l'un de tous premiers acteurs du web en Allemagne et en Europe : 15,5 millions d'utilisateurs (repartis sur trois réseaux : studiVZ, schülerVS pour les écoliers et meinVZ pour tous les autres), douzième site allemand en terme de traffic, plus de 200 employés et un rachat en fanfarre en 2007 pour 85 millions d'euros. Bref, tous les ingrédients d'une success story made in Germany.
C'est justement là qu'est le hic. StudiVZ ne serait pas si aussi allemand qu'il n'y parait. L'interface et même le code source de son grand frère américain Facebook auraient été copiés. A tel point que FB engagea deux procédures pour plagiat, l'une en Californie, l'autre en Allemagne, à l'encontre de VZnet. Après plusieurs rebondissements (notamment la perte du procès par FB à Cologne en juin dernier), les deux parties sont finalement arrivées à un arrangement en septembre de cette année.
Cette dispute est malgré tout révélatrice du malaise qui règne autour du web 2.0 allemand : ne s'agirait-il pas d'une formidable machine à recycler les succès venus des Etats-Unis ? Au-delà de la bataille studiVZ - Facebook, les exemples ne manquent pas : Spreadshirt - Cafepress pour l'édition de t-Shirts, Xing - LinkedIn pour les réseaux sociaux professionnels, Qype - Yelp pour les réseaux sociaux liés aux loisirs et aux sorties, Alando - eBay pour les enchères en ligne, etc.
Dans la plupart des cas, le site allemand est lancé après son concurrent américain. Si bien qu'il ne fait pas trop de doute que le concept est copié. Mais qui a dit que le premier était nécessairement le meilleur ? Google n'est pas le premier moteur de recherche et Facebook n'est pas non plus le premier réseau social. C'est souvent en s'inspirant d'un modèle qu'on réussit à l'améliorer. Ce serait donc aller un peu vite en besogne que juger tous les sites allemands comme étant de pâles copies de leur équivalent américain.
Xing, par exemple, a réussi à se faire une place au soleil (premier réseau social professionnel d'Europe) en proposant de nouvelles fonctionnalités innovantes. Souvent reprises par la suite par LinkedIn d'ailleurs, comme le "qui a visité votre profil". Qype donne du fil à retordre à Yelp, l'empêchant de bien s'implanter en Europe et faisant preuve de créativité et d'audance dans son domaine.
Et c'est peut-être ça au fond qui contrarie les californiens. Plus qu'ailleurs le marché allemand (et donc souvent européen) est compétitif. Crier au plagiat devient alors une stratégie d'attaque, quand d'autres ont échoué.
Facebook peine en Allemagne avec seulement deux millions d'inscrits. Pour la petite histoire, ils auraient cherché à racheter studiVZ pour mieux s'y implanter mais le prix était, dit-on, trop élevé.