Email d'adieu

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Email d'adieu
Vous avez dit "fracture numérique" ? Pourtant, j'ai pu bien plus facilement me connecter en Thaïlande ou Malaisie, pays en développement, qu'en Australie et Nouvelle-Zélande, parmi les premières économies mondiales. Il est vrai que l'Océanie souffre de son isolement géographique, nous l'avons vu dans Le tour du monde en 80 secondes. Ici, dans le sud-est asiatique, le wifi gratuit est, comme aux Etats-Unis, la règle.
Mais quelles que soient les disparités d'accès au web entre les pays, après dix mois en vadrouille autour de la planète, une tendance mondiale, globale se dégage. Qu'il s'agisse d'un backpacker avec son netbook à la terrasse d'un McDo de Venise ou du Queensland ou d'un malais dans un cybercafé de Penang, on voit de moins en moins Hotmail ou Gmail sur leurs écrans. Après quarante longues années de bons et loyaux services, la fin serait-elle proche pour l'email ?

Générations d'outils et d'utilisateurs

Pour les dernières tendances Internet, demandez à votre mère. La mienne (Salut Maman !) fait évoluer ses habitudes au gré de mes voyages. 2003, je traverse la Manche pour m'installer en Angleterre. Elle ne trouvait jusqu'alors pas grand intérêt au courrier électronique mais recevoir des nouvelles régulières de son fils (indigne ; j'aurais quand même pu écrire des lettres) était une raison suffisante pour s'y mettre. 2009, je traverse les océans pour découvrir les antipodes de la France. Facebook, elle connaissait de nom mais ce qui l'a poussée à se créer un compte c'est pouvoir suivre les tribulations de son fils (pas si indigne ; j'écris des cartes postales). Je vous dis, très sérieusement, que ce comportement maternel revèle une tendance lourde.

Déjà en novembre 2007, le très influent webzine américain Slate titrait La mort de l'email (les premières prédictions remontent même à 2002). A première vue, cela semble absurde. Annonce-t-on la mort du web ou celle d'Internet ? Internet sans email c'est un bon repas sans fromage, une forêt sans écureuil. Mais à y regarder de plus près, les faits sont là, on en veut à l'email.

Le premier coup porté au courriel a été le spam. Quand 81% des messages reçus sont indésirés, le courrier électronique cesse d'être un outil efficace de communication. Bien sûr, on a inventé des filtres plus ou moins sophistiqués mais en avez-vous déjà trouvé un qui vous satisfasse pleinement ? Trop laxistes, ils laissent passer une bonne partie des indésirables. Trop stricts, ils bloquent même les emails de vos amis.

Malgré tout, le junk mail à lui seul ne peut justifier le déclin progressif de l'email. La messagerie instantanée (ou IM - Instant Messaging - ou encore Messenger du nom du logiciel de Microsoft) est venue concurrencée le pauvre email, plus lent. Certains citent aussi le SMS comme moyen de communication alternatif.

Comme si tout ça ne suffisait pas, l'email doit faire face depuis plusieurs années à une menace encore plus sérieuse, les réseaux sociaux. Facebook, Twitter et confrères permettent une communication bien plus fine que le simple email.
Le problème du spam est réglé par exemple, tous vos interlocuteurs étant identifiés. Les échanges avec un groupe de personnes sont à la fois plus rapides et plus organisés. Pour préparer la prochaine fête du samedi soir, un forum se crée plutôt que d'envoyer un email groupé à trente personnes et de centraliser péniblement les réponses. De manière générale, l'expérience de communication est plus riche avec les réseaux sociaux : différents types de message sont disponibles (statut, wall, commentaire, message privé, etc.), joindre des photos, vidéos ou liens est plus aisé, devenir fan d'une association, artiste ou entreprise évite de multiplier le nombre de newsletters reçues, etc. Beaucoup d'éléments qui font de l'email une technologie du passé.

Ainsi, vous l'aurez compris, qu'il s'agisse d'un backpacker avec son netbook à la terrasse d'un McDo de Venise ou du Queensland ou d'un malais dans un cybercafé de Penang, ce que l'on voit sur leurs écrans, c'est Facebook. En effet, depuis l'année dernière, les réseaux sociaux sont plus populaires que les emails personnels. J'ai bien dit personnel.

Ma petite entreprise connait pas la crise (de l'email)

Combien de temps consacrez-vous chaque jour au travail pour envoyer et recevoir des emails ? Deux ? Quatre ? Six heures ? Pour la plupart d'entre nous, la réponse est "trop". Malgré toutes les avancées technologiques de la communication web (réseaux sociaux, espaces de travail collaboratif, blogs, IM, etc.), l'email professionnel semble inébranlable. Certains se plaient à rêver d'une entreprise sans email ou lancent des no-email fridays.

Comment expliquer une telle résistance au travail alors qu'à la maison on change volontiers de technologie ? La peur d'incompatibilité avec son réseau professionnel, interne comme externe, en est la raison. Que vont dire mes clients si je passe à l'IM ? Le blog interne de l'entreprise serait-il aussi suivi que les emails à tous@ ? Mes fournisseurs vont-ils consulter les messages que je leur envoie sur LinkedIn ?

Bref, par peur de perdre un client ou du temps, on préfère se contenter d'un moyen de communication imparfait mais universel. Ce phénomène n'est pas limité à l'email. Pour la navigation web, on utilise bien plus Firefox à la maison qu'au travail. Même constat pour Open et Microsoft Office. Changer d'outil est lourd de conséquence en entreprise, d'où une certaine inertie. A moins qu'un nouveau outil réussisse à s'imposer et à devenir lui aussi universel (pourrait-ce être Google Wave ?), l'email professionnel a encore de beaux jours devant lui.

Mort ? Vivant ?

L'email souffre mais l'email n'est pas mort. 47 milliards d'emails sont envoyés chaque jour (247 milliards si on prend en compte le spam). Même si les réseaux sociaux lui sont passés devant, l'email continue à voir son nombre d'utilisateurs croitre. Un groupe d'utilisateurs, les seniors, continuent à faire des emails personnels leur activité numéro un sur Internet.

Il est donc bien trop tôt pour enterrer l'email mais déjà grand temps de nous adapter à un Internet sans lui.

6 commentaires
  • Commentaire par Abdelishoes
    Jeudi 10 juin 2010 13:12
    Je n'avais pas pensé à ça : la mort de l'e-mail, comme il y eut une hécatombe au niveau des correspondances épistolaires (j'aime bien utiliser les quelques mots compliqués que je connais pour faire intello ;)) F*** Facebook et autres réseaux sociaux !!!

    La suite à ton mail dans ta boîte de réception (héhé).

    Take care ! (as Bagpackers says)
  • Commentaire par Philippe Coudol
    Vendredi 11 juin 2010 18:29
    J'aime bien ton article.
    Il confirme quelque chose que je pense depuis quelques mois, en observant mes filles, ados, qui ne relèvent JAMAIS leur mails, trop occupées a produire des SMS (la plus jeune d'entre elle, 16 ans, envoie près de 6000 SMS pas mois (ce n'est pas une erreur, j'ai bien dit 6000), tout en passant du temps sur ses statuts et commentaires de Facebook, MSN, lui même en perte de vitesse, venant encore compléter le tableau.
    Les jeune n'utilisent plus le mail (ils ne l'ont d'ailleurs jamais utilisé) et ils ne s'y mettront JAMAIS. C'est donc une histoire de quelques années, le temps qu'ils arrivent dans l'entreprise, pour que cette pratique tombe en désuétude.

    Côté professionnel, j'utilise de moins en moins le mail également, et pour en limiter le nombre, c'est très simple.
    Moins tu en envois, moins tu as de réponse. Et quand tu as une réponse, il suffit de ne pas répondre du tac au tac, mais de laisser quelques heures, voir jour, avant de répondre. La plupart des sujets se règlent d'eux même, et le nombre de tes emails réduit rapidement de façon spectaculaire.

    Allez, bon voyage, et merci pour ce blog !
  • Commentaire par Nicolas (avec Nathalie)
    Samedi 12 juin 2010 09:36
    Salut Antoine (et Véro),

    Je suis tout à fait d'accord avec ton article, comme beaucoup de ceux qui ont travaillé et travaillent dans l'IT, étant moi-même un de ceux qui répondent "trop" à la question "Combien de temps passez-vous sur vos emails?".

    Il y a également un autre aspect que j'ai remarqué : l'email possède une connotation bien plus formelle, voire légale. Je sais que dans mon ancienne boîte, même si les réseaux sociaux "pros" ou internes séduisaient une bonne partie de la population, il n'en restait pas moins qu'ils avaient une "étiquette Facebook" au même titre que le langage créé par les SMS. Du coup cela ouvrait la porte au "pas-pro" qu'il fallait à tout prix éviter... Dans mon ancienne boîté, ça a été un frein, on restait aux emails, même s'il évident que des outils aussi puissants que gmail ne sont pas aussi efficaces qu'un forum créé à la volée, pour quelque sujet que ce soit.


    Une petite parenthèse perso pour dire qu'on a été plus que ravi de vous rencontrer au Cameron Highlands... Faut dire ce qui est, ça n'a pas été terrible comme endroit, mais j'en garde un excellent souvenir grâce à vous ! On pourrait bien passer vous voir en rentrant, plus tôt que vous ne le pensez ;).

    A bientôt,

    Nicolas
  • Commentaire par Antoine
    Samedi 12 juin 2010 12:48
    Que de longs commentaires !
    @Abdel : j'attends la suite avec impatience. A+
    @Philippe : merci pr ton message. Effectivement, il semble que la jeune génération est laissé tomber l'email. Dire qu'il y a 10 ans à peine c'était tendance ! Je suis bien content que le blog te plaise. A bientôt.
    @Nico : A bientôt sur Lyon dc (attendez qd même qu'on trouve un appart' ;-) !)
  • Commentaire par Elise
    Mercredi 30 juin 2010 11:04
    Hello tous,

    Comme je suis maintenant chargée du développement de l'activité emailing chez Novius, je ne peux que répondre ! ;) (j'ai mis le temps, mais ça me prends ce matin comme une envie irrésistible ! )
    J'ai le sentiment que si effectivement on passe beaucoup de temps à gérer ses mails, cela reste toujours aussi utile et j'adhère à ta conclusion : la mort annoncée de l'email n'est pas pour demain. Dans les aspects intéressants du mail que je partage avec vous : moins d'instantanéité dans l'action à mener dès sa réception, plus de formalisme, info disponible quand je souhaite la consulter et puis je l'organise cette boîte, avec une jolie arborescence de dossiers, des filtres... ... D'ailleurs ma boite mail c'est aussi ma boite de réception des flux RSS, forums, de mes alertes sur les différents réseaux sociaux auxquels je participe, voir de chat... Oui, je passe décidément de plus en plus de temps dans ma boite mail et pour faire de plus en plus de choses : je l'aime bien cette boîte mail. J'aime recevoir du courrier, que l'on m'écrive, avec de jolies phrases, de beaux visuels... Séduire par l'écrit, quel romantisme ! Les sms du genre "T où ?" pfffff... Serais-je vieux jeu ? ou simplement préférant que l'on me parle avec un peu d'effort, un besoin d'esthétisme...
    Et puis, si on en croie ce qui disent par les professionnels du marketing c'est que leur objectif est de n'envoyer que des emails "utiles". Stopper net la collecte illégale de contacts; bannir les envois de masse pour espérer quand même quelques retours. mais en revanche améliorer le contenu pour toujours mieux le cibler, fournir des infos personnalisées, au bon moment, notamment tout au long du cycle d'achat... Le trigger marketing a de l'avenir...

    Pour terminer, vient de paraître un article sur le JDN à propos des SMS, une étude sur ce que les français abonnés mobiles seraient susceptibles d'accepter.
    Ca tombe bien, Posta-Nova fait Aussi du SMS ! ;)

    Bon, allez zou, faut que je consulte mes mails, j'attends un bon pour accord...
    Petite annecdote de ce matin : ce client me donne un bon pour accord par un ptit message dans un mail, je lui demande au moins un pdf, il me dit que c'est "très 20ème siècle". Je lui réponds quoi : que le mail n'est pas un protocole fiable ? ! :D

    A bientôt les voyageurs !

    Elise
  • Commentaire par Elise
    Jeudi 1 juillet 2010 09:57
    Petit lien intéressant : http://www.emailisnotdead.com/ : Email is not Dead
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